Description
Verbum Domini est une exhortation apostolique que Benoît XVI a signée le 30 septembre 2010, jour de la fête de saint Jérôme. Elle s’adresse évidemment à toute l’Église et elle traite de la Parole de Dieu. Dans ce document, le vénérable théologien veut rappeler quelques éléments clés d’une saine interprétation des Écritures. Fidèle au style auquel il nous avait habitués, il propose un texte structuré et pragmatique empreint d’amour pour la Parole de Dieu. La compréhension est aisée et les références sont nombreuses.
Une herméneutique fidèle à la foi traditionnelle des Pères de l’Église
La Bible est un recueil de plusieurs livres composés sur plusieurs siècles et il existe entre eux de nombreuses tensions. En reliant le Nouveau Testament à la Bible d’Israël, une unité se dégage toutefois, transcendant ces dissensions en un chemin vers le Christ. Ainsi, le Nouveau Testament éclaire l’Ancien, et l’Ancien explique le Nouveau. La lumière du mystère pascal du Christ éclaire la lecture que fait le chrétien de toute la Bible.
Puisque la Bible a été assemblée canoniquement par l’Église, elle est le lieu fondamental pour l’interpréter. Saint Jérôme affirmait d’ailleurs que nous ne pouvons lire la Bible seuls. « Elle est la voix du Peuple de Dieu pérégrinant, et c’est dans la foi de ce Peuple que nous sommes, pour ainsi dire, dans la tonalité juste pour comprendre la Sainte Écriture » (p. 57). En écoutant la Parole de Dieu, nous approfondissons notre communion ecclésiale. Cette Parole s’est communiquée aux hommes à travers une parole humaine. Aucune prophétie ne provient d’intuitions personnelles, mais c’est l’Esprit Saint qui a fait parler des hommes de la part de Dieu.
L’exégèse ordonnée au Magistère
Les exégètes ont grandement contribué à l’approfondissement de la compréhension des Écritures par l’Église. Il y a donc un lien étroit entre la théologie et l’exégèse, tel qu’en fait mention la Constitution dogmatique Dei Verbum : « Que l’étude de la Sainte Écriture soit comme l’âme de la théologie sacrée ».[1] Cette étude contribue grandement à « l’efficacité pastorale de l’action de l’Église et dans la vie spirituelle des fidèles » (p. 59-60). La méthode historico-critique et d’autres méthodes d’analyse scripturaire, de même que certaines avancées dans les sciences linguistiques, bénéficient grandement à l’approfondissement, pour l’Église, de la compréhension de l’Écriture.
Le Magistère de l’Église a pourtant dû intervenir par deux fois dans les quelques cent dernières années pour rétablir un équilibre entre la science et la foi. Tandis que le pape Léon XIII, dans son encyclique Providentissimus Deus de 1893, avertissait les exégètes des dangers soulevés par le rationalisme, en rappelant le rôle de la science dans le domaine de la contextualisation des Textes Sacrés sans restreindre à une bête analyse physico-matérialiste, Pie XII devait, 50 ans plus tard, défendre la science des « attaques des partisans d’une exégèse soi-disant mystique qui refusait toute approche scientifique » (p. 62). En 1993, saint Jean-Paul II scellait la question dualiste avec l’encyclique Divino afflante Spiritu, en rappelant aux exégètes que le but de leur travail consiste, ultimement, à actualiser la Parole de Dieu pour les chrétiens d’aujourd’hui, les enjoignant à harmoniser l’humain et le divin dans leurs recherches.
Benoît XVI précise, dans le présent document, que « l’étude de la Parole, transmise et écrite, ait lieu dans un esprit profondément ecclésial » (p.88). Il faut donc tenir compte, dans l’enseignement donné aux futurs prêtres, non seulement de l’Écriture et de son étude en diverses techniques d’analyse, mais aussi de ce que le Magistère a pu faire comme interventions sur le sujet de la Parole de Dieu, puisque ce dernier en est au service en « gardant saintement (la Parole), en l’écoutant pieusement, et en l’exposant fidèlement », « si bien que le plus grand nombre possible des serviteurs de la Parole divine puissent fournir au Peuple de Dieu (…) l’aliment des Écritures, qui éclaire les esprits, affermit les volontés, enflamme le cœur des hommes pour l’amour de Dieu », [2]
On ne peut comprendre l’Écriture que si on la vit. (Benoît XVI, Verbum Domini, p. 88.)
L’herméneutique authentiquement Catholique
Dei Verbum indique que la Bible doit être interprétée de manière à tenir compte de son ensemble et de la Tradition vivante de l’Église. Cette interprétation doit avoir des affinités avec la foi de l’Église. C’est ainsi, à condition seulement de respecter l’intention de l’hagiographe et en tenant compte du contexte historique et critique, ainsi que des enseignements théologiques de reçus de l’Église, qu’on peut développer assurément une exégèse réellement authentique de l’Écriture Sainte.
Dualisme et herméneutique sécularisée
L’étude des textes de la Bible qui évacuerait le fait qu’il s’agisse véritablement de la Parole que Dieu nous adresse aujourd’hui-même, aurait pour effet de voir les textes comme venant d’une époque révolue. On en ferait alors une science littéraire qui ne s’attarderait qu’à la symétrie des rimes et on-ne-sait à quelles autres caractéristiques scripturaires, y voyant-là une mythologie à expliquer ou une philosophie antique du bonheur. On n’y verrait, à tout le moins certainement pas, la Révélation d’un Dieu qui se dévoile aux êtres humains au fil de leur histoire. Une telle glose sécularisée rejette certains faits de l’histoire de l’Homme en disant tout simplement qu’ils n’ont pas existé, amenant éventuellement un croyant à douter de l’historicité des miracles, de l’institution de l’Eucharistie, voire même de la Résurrection du Christ. Bref, carapater ces éléments, c’est détruire le roc sur lequel repose la foi, réduisant la foi dans les mystères bibliques à une littérature spiritualisante. Ces dangers rappellent encore une fois l’importance de l’union fondamentale qui existe entre l’exégèse, la théologie, le Magistère, et la foi de toute l’Église.
« Là où l’exégèse n’est pas théologie, l’Écriture ne peut être l’âme de la théologie, et vice versa, là où la théologie n’est pas essentiellement interprétation de l’Écriture dans l’Église, cette théologie n’a plus de fondements. » -Benoît XVI.[3]
Sens littéral et sens spirituel
La Bible n’est pas toujours à prendre au pied de la lettre. Les Pères de l’Église l’avaient d’ailleurs bien compris, eux qui commentaient les Écritures dans leur ensemble en tenant compte de l’expérience qu’en avait fait l’Église, jusqu’à présent. La compréhension classique enseigne que les évènements sont à prendre au sens littéral, tandis qu’il faille interpréter les allégories comme expliquant ce qu’il faut croire, la morale, ce qu’il faut faire, et l’anagogie, ce vers quoi il faut tendre (p. 70). Saint Paul dit : « la lettre tue, l’Esprit vivifie » (2 Cor 3, 6). Il faut donc, pour être fidèle à l’intentionnalité des textes bibliques, dépasser la lettre pour chercher plutôt à relier le cœur du message à l’expérience de nos contemporains. C’est donc l’Esprit Saint qui éclaire l’interprétation des textes sacrés et non la vision personnelle qu’un lecteur pourrait en faire.
Herméneutique fondamentaliste et passages obscurs
Certains passages de la Bible peuvent paraître plutôt rébarbatifs à l’œil d’un lecteur contemporain qui n’aurait pas reçu une formation pour les comprendre. Ce qui cause problème, c’est que ces passages ne soulignent pas explicitement l’immoralité des fraudes, vols et mensonges rapportés. Certains pourraient donc être tentés de croire que ces textes reflètent la volonté de Dieu. Le pape Benoît XVI nous rappelle qu’il ne faudrait pas éviter d’aborder ces pages, mais plutôt reconnaître ces dernières comme des témoins d’un contexte historique et culturel. Le Seigneur se révèle dans des mots que les hommes peuvent comprendre et ce sont des hommes qui ont écrit les paroles que Dieu a dictées à leurs cœurs. Les discours des prophètes de l’Ancien Testament témoignant à l’encontre des comportements immoraux à dénoncer dans ces pages obscures, peuvent éclairer la compréhension de celui qui cherche à comprendre,.
Une lecture fondamentaliste de la Bible consiste à récupérer un passage de l’Écriture dans un intérêt qui n’est pas celui de Dieu. Le Seigneur veut révéler qui Il Est, et une interprétation littérale de la Bible trahirait à la fois les sens littéral et spirituel. Une telle herméneutique a tendance à oublier que la Parole de Dieu a été formulée à une époque précise, en tenant compte du langage et du milieu dans lesquels vivaient les hagiographes. C’est donc faire fi de la réalité de l’Incarnation elle-même. La réponse à une interprétation de la sorte est précisément d’en faire une lecture qui cherche « la vérité qui sauve pour la vie de chaque fidèle et pour l’Église » (p. 83).
Le Christianisme perçoit dans les paroles la Parole, le Logos Lui-même, qui fait rayonner son Mystère à travers cette multiplicité et la réalité d’une histoire humaine.
La Bible pour dialoguer avec les autres religions
Dialogue avec les juifs
L’Ancien Testament conserve toute sa valeur propre et c’est pourquoi la compréhension juive de l’Ancien Testament éclaire encore aujourd’hui la compréhension chrétienne des textes sacrés. Puisque le peuple juif a été choisi par Dieu et que le Seigneur est fidèle à son Alliance, le pape Benoît s’unit à son prédécesseur pour nous rappeler que seule une attitude respectueuse, d’estime et d’amour envers le Peuple de la Promesse est la seule attitude véritablement chrétienne face à l’interprétation commune de la Bible.
Dialogue avec d’autres chrétiens
De même, avec les autres confessions chrétiennes, les études bibliques constituent une base solide sur laquelle établir un dialogue. Même si une communion pleine et entière demeure encore difficilement envisageable à l’heure actuelle, écouter et méditer ensemble la Parole de Dieu fait grandir en nous la charité et la vérité qui nous amènent à une communion réelle en Christ.
Conclusion
J’aurais aimé que le saint Père aborde le sujet du dialogue avec d’autres religions, notamment avec l’Islam et le Coran, qui ont des opinions fort apparaissant parfois irréconciliables avec celle proposée par l’Église et le Magistère. Un cadre proposant des indications sur les limites possibles d’un dialogue respectueux de chacun qui permettrait de tenir des discussions fraternelles et les limites à ne pas franchir auraient été de circonstances en un temps agité par des tensions interreligieuses exacerbées.
Le bien-aimé pape atteint toutefois la cible lorsqu’il rappelle que pour bien comprendre ce que Dieu veut nous révéler à son sujet, il nous faut lire la Bible à la lumière du Christ, en communion avec l’Église et son magistère, dans une interprétation fidèle à l’historicité des livres la composant et le respect du Mystère de la foi.
[1] CONC. OECUM. VAT II, Dei Verbum, no. 24
[2] CONC OECUM VAT II, Const. Dogm. Sur la Révélation divine Dei Verbum no. 23
[3] BENOÎT XVI, Aux participants de la XIVe Congrégation Générale du Synode des Évêques, 2008.
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