Bernard Lainé est l’ancêtre de la grande majorité des Laliberté. Il est arrivé à l’île d’Orléans au moment où la colonie néofrançaise prend son envol sous le leadership de Jean Talon et Frontenac. Son épouse Anne Dionne donnera naissance à 15 enfants. Il est un pionnier de la seigneurie de l’Île (alors appelée seigneurie de Saint-Laurent).
Origines
Bernard Lainé dit Laliberté a été baptisé le 27 avril 1656 en l’église Saint-Magloire de Châtelaudren, en Bretagne (France). Louis XIV est roi déjà depuis 12 ans. À Rome, c’est Alexandre VII qui siège sur le trône de Pierre. Sa mère, Luce Léonard, meurt alors qu’il est tout jeune, et son père, Guillaume, se remarie avec Claude Courson le 23 mars 1658 dans l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Plélo, en Bretagne[1].
On ne sait exactement ni d’où il est parti, ni quand, ni sur quel bateau. L’hypothèse la plus plausible serait qu’il soit venu par un bateau de pêche, car ceux-ci ne tenaient pas systématiquement de registres. Bernard a peut-être trouvé un moyen de voyager à peu de frais, peut-être même gratuitement en échange de sa main d’œuvre sur le bateau de pêche. Il est probablement arrivé en Nouvelle-France en 1678, puisqu’il est témoin du mariage de son ami Jean Riou, avec la jeune Catherine Leblond, à Sainte-Famille de l’Île d’Orléans le 10 janvier 1678.
Le conflit
Dès son arrivée en Nouvelle-France, Bernard s’engage à travailler comme domestique de Marin Nourrice, sur l’Île d’Orléans. M. Nourrice est père de trois enfants, dont Jeanne, que Bernard se montre intéressé d’épouser, même si elle n’est âgée que de douze ans. Les deux fiancés tiendront d’ailleurs l’enfant de Pierre Martin et Marie Burot (Bureau) au-dessus des fonts baptismaux de Sainte-Famille, le 21 décembre 1678. Le 14 mars 1679, Bernard promet d’épouser Jeanne dans un contrat de mariage signé devant le notaire Romain Becquet. Mais un conflit éclate entre Nourrice et Lainé et Bernard quitte la ferme de Nourrice, rompant du même coup ses fiançailles avec la fille. Il trouve refuge chez Christophe Martin. Outré, Nourrice poursuit Lainé. Le 25 octobre, il lui réclame, au bailliage de l’île d’Orléans, la somme 90 livres de loyer et pension, 50 livres pour des marchandises qu’il aurait reçues et payées par le demandeur, et 50 autres livres en dédommagement des fiançailles rompues. La note est salée.
Bernard lui-même enregistre une demande contre Nourrice. Il l’accuse de ne pas avoir payé son salaire depuis six ou sept mois à raison de dix livres par mois, moins les deux livres qu’il a empruntées à son patron pour s’acheter « des souliers sauvages ». Il demande aussi de pouvoir récupérer « les hardes linges habits et autres choses contenues wn un mémoire ».
Les demandes des deux censitaires sont d’abord entendues au bailliage de l’île d’Orléans, où Nourrice est condamné par le tribunal. Toutefois, le père humilié en appelle au prévôté de Québec, et c’est encore une fois Bernard qui a gain de cause. L’affaire est alors portée au Conseil Souverain et, le 6 février 1682, les conseillers s’entendent pour que justice soit rendue aux parties.
Jeanne Nourrice (1665-1741), elle, finira par épouser Marc-Antoine Canac, dit Marquis, le 9 novembre 1688. Ensemble, ils auront dix enfants.
Le foyer
Après avoir travaillé quelques mois pour Christophe Martin, Bernard se met au service d’Antoine Dionne dit Sansoucy. M. Dionne et sa femme, Catherine Ivory, habitent sur la rive Nord de l’île d’Orléans. Le couple a vraisemblablement immigré tous deux ensemble avec leur fils, André. Au Canada, ils auront 11 autres enfants.
Anne Dionne
C’est chez les Dionne que Bernard fait connaissance avec leur fille. Anne Dionne est née le 27 juillet 1665 et elle fut baptisée le 3 août à l’église Notre-Dame de Québec. Celle-ci n’a donc que 14 ans lorsqu’elle épouse Bernard, le 26 avril 1679 à l’église Sainte-Famille. Sur une période de 32 ans, elle accouchera 15 fois. De ce nombre, seulement huit atteindront l’âge de procréer. Le patronyme Laliberté a donc été perpétué grâce à seulement 2 garçons, les enfants de ses six autres enfants ont pris le nom de leur père. Anne avait 47 ans à la naissance de son dernier enfant, une fille qui est morte avant même d’avoir reçu un prénom.
Voici la liste des 15 enfants d’Anne et Bernard :
- 2 jumeaux anonymes n. et d. 11 avril 1681 ;
- Jacques n. 27 mai 1682, d. à l’âge de 20 ans le 29 novembre 1702 ;
- Marie Madeleine n. 17 août 1684, m. 1 janvier 1704 François Larrivée dit Maurice St-François, Île d’Orléans (10 enfants);
- Simon n. 18 avril 1687, d. 13 août 1689 à l’âge de deux ans ;
- Pierre n. 16 août 1689, m. 30 janvier 1720 Marguerite Plante St-Jean-i-o (12 enfants), s. 26 février 1748 St-Jean-i-o ;
- Jean-Baptiste n. 3 octobre 1691 St-Jean-i-o, d. à 66 ans le 4 août 1758 St-Augustin-Desmaurres (sans progéniture) ;
- Marie-Anne b. 16 février 1694 St-Jean-i-o, m. avant 16 juin 1775 Maurice Larrivée dit Maurice (6 enfants), d. 26 jun 1775 ;
- Charles n. 31 mai 1696, m. 18 novembre 1720 Marie Angélique Mingo (6 enfants) ;
- Geneviève n. 8 juin 1698, m. 9 avril 1720 Jacques Lamothe (9 enfants), d. 7 septembre 1762 ;
- Elisabeth n. vers le 17 février 1701, m. Nicolas Dassilva Portuguais 12 avril 1722 (13 enfants) d. 24 février 1758 ;
- Ursule n. 13 mars 1704, m. Jean-Baptiste Brousseau 7 janvier 1728 (3 enfants), m. Charles Rancourt 9 août 1745 (sans descendance), m. Joseph Decroix 20 septembre 1777 (sans descendance), d. 26 mai 1781 ;
- Marie Agathe n. 5 octobre 1707, d. 7 décembre 1707 ;
- Anonyme n. d. juin 1711.
Descendance
Bernard Lainé dit Laliberté (1656–1715), pionnier établi sur l’île d’Orléans, a laissé une descendance nombreuse et influente. Avec son épouse Anne Dionne, il a eu quinze enfants, dont plusieurs ont perpétué le nom familial. Parmi ses descendants notables figurent :
Alfred Laliberté (1878–1953), sculpteur renommé, connu pour ses œuvres ornementant la façade de l’hôtel du Parlement du Québec. Érudit
Jean-Baptiste Laliberté, marchand et fondateur du magasin J. B. Laliberté à Québec, l’une des plus importantes maisons de fourrure au Canada. Érudit
Guy Laliberté, fondateur du Cirque du Soleil, figure emblématique du divertissement contemporain. Érudit
Ces personnalités illustrent la diversité des contributions des descendants de Bernard Lainé dit Laliberté à la culture et à l’économie québécoises.
Conclusion
En racontant la vie de Bernard Lainé dit Laliberté, c’est un peu comme si on tendait la main à un arrière-grand-père qu’on n’a jamais connu. On devine ses efforts, ses espoirs, ses silences. Il n’a pas cherché à marquer l’histoire, mais il a construit la nôtre, une journée à la fois. Et ça mérite qu’on s’en souvienne, avec gratitude.
Bibliographie
TREMBLAY, Sylvie. (2009). La famille Laliberté. Cap-aux-Diamants, (97), 38–38
BRETON, Fernand (2002), « Les Laliberté » in « Au fil des ans » (Vol 14, no. 3), Bulletin de la Société historique de Bellechasse, p. 18-24
JETTÉ, René, « Dictionnaire généalogique des familles du Québec », Généalogie Québec, Institut généalogique Drouin, 2024, Collection diverses Drouin. Fonds René Jetté, Dictionnaire généalogique des familles du Québec
LEBEL Gérard, « Nos ancêtres », Sainte-Anne-de-Beaupré, 1996